05 Jan Colocataires au boulot
(Article paru dans le journal Sud-Ouest du 26 décembre – Par Laurie Bosdecher)
A l’extérieur, le bâtiment entièrement vitré, place Saint-Martial, à Bordeaux, dégage une attitude austère. Le nom affiché sur le mur à l’entrée du parking intrigue : La Girafe. Le sous-titre, encore plus : coworking.
Sabine Marzat accueille les visiteurs au premier étage et aime volontiers leur montrer les lieux : 400 mètres carrés de bureaux inondés de lumière, sous les toits et donnant sur un immense patio. « J’ai eu le coup de cœur pour ce plateau », raconte-t-elle.
Agent général d’assurances, la jeune femme cherchait un lieu pour travailler pas très loin de chez elle. Elle tombe sur l’immeuble. Il est bien trop grand pour ses besoins. Sabine Marzat fait alors un pari. Elle achète le plateau et le scinde en trois parties avec des baies vitrées. Deux sont dédiées à son activité et celle d’une autre entreprise. La dernière accueille un espace de travail partagé pouvant accueillir douze personnes.
La Girafe, « animal ni prédateur ni victime et prenant de la hauteur », a ouvert ses portes en avril dernier. Huit postes sur douze sont aujourd’hui occupés par des professionnels travaillant entre Paris et Bordeaux, des indépendants, des personnes en période de transition dans leur carrière.
« J’ai exercé pendant un temps mon activité chez moi », témoigne Sabine Marzat. C’est compliqué. Le coworking est un bon compromis pour ceux qui hésitent entre leur domicile et un bureau qu’ils ne pourront pas prendre en ville en raison des loyers élevés.
Les colocataires de La Girafe se retrouvent souvent dans la grande cuisine autour d’un café ou pour déjeuner. « Nous venons d’univers différents et nous nous enrichissons », assure la gardienne des lieux. Le loyer est fixé à 300 euros par mois pour une utilisation des locaux 24 heures sur 24. Chaque occupant a ses clés. « Financièrement, je suis juste à l’équilibre », indique Sabine Marzat.
Loyers très variables
Le coworking n’est pas nouveau. Souvent associée à la culture geek, cette nouvelle manière de travailler gagne du terrain, sortant du champ exclusivement numérique.
Le symbole de cette mutation est à la caserne Niel sur la rive droite de Bordeaux, où 6 000 mètres carrés de bureaux sont partagés entre des centaines d’usagers au quotidien. La liste d’attente pour obtenir un poste de travail au Darwin coworking est longue. A quelques centaines de mètres, pourtant, des bureaux sont à louer depuis de nombreux moins.
Le Node, dans le quartier de Saint-Pierre, à Bordeaux, ouvert en septembre 2012, sert aujourd’hui d’exemple. Le local, dans une ancienne distillerie, est une fourmilière à projets dans le secteur du numérique.
A Pessac, la Loco Coworking, à côté de la gare, devrait ouvrir ses portes dans les prochains mois dans un local de la CUB. La mairie du Bouscat support aussi un projet dans son ancien centre des impôts. Il y a quelques moins, elle a testé le terrain en organisant une réunion publique. 60 personnes y ont participé. Une vingtaine voulait déjà signer pour travailler dans ce nouvel espace au sortir de la rencontre. « Pour que ça marche, les futurs locataires doivent créer leur association qui gérera les lieux », explique Joan Taris, adjoint au maire en charge de l’économie. Le Patio ouvrira ses portes au printemps et pourra accueillir une vingtaine d’occupants qui paieront un loyer de 150 à 200 euros par mois.
Idéal pour enrichir son réseau
Célia Chevalier, responsable d’un cabinet de ressources humaines, a ouvert WorkingPlace en mai 2014 près de la barrière du Médoc. L’envie lui trottait depuis longtemps dans la tête, elle-même étant passé par un lieu de travail partagé avant d’ouvrir ses locaux. L’espace de 180 mètres carrés pouvant accueillir 20 personnes pratique des tarifs bien plus élevés (de 250 à 350 euros par mois, selon la formule) que dans un lieu soutenu par les pouvoirs publics. « Au démarrage, ça a été compliqué, relate-t-elle. Il ne faut pas espérer gagner de l’argent en ouvrant un espace de coworking. Il y a un turn-over important ».
WorkingPlace affiche aujourd’hui un taux de remplissage à 75%. Parmi les colocataires, on trouve une société dans le vin, une traductrice, un journaliste, des entreprises dans le numérique. La majorité des professionnels qui y travaille arrive d’autres régions. « Je leur ouvre mon réseau bordelais, leurs donne des conseils. Le coworking a, par certains côtés, un rôle similaire à celui d’une pépinière d’entreprises.